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.: Otages de la rencontre de l'autre: le cas de Undercurrents (courants profonds) :.

5.12 >>18:30 - 1 x 60’ -
Encore aujourd'hui, après des décennies de discussion sur cette question, celles qui comme nous se considèrent comme impliquées dans la "pratique" artistique et politique, négocient encore la valeur que l'on veut accorder à la théorie, pour ne pas dire la "philosophie". Le contraire se produit aussi : celles qui pensent être engagés dans les "hautes sphères" de la théorie, ne voient pas leur propre exploitation de la politique corpo-réelle et la philosophie radicale. L'amour de la pensée de l'autre, cette passion charnelle pour le complexe et le merveilleux, doivent être distinguées des conventions académiques de la théorie, des conceptions abstraites de l'autre, et du jargon de l'intelligence. Nous devons pouvoir nous faire face mutuellement, et d'ailleurs pourquoi "nous devons". Nous nous FAISONS FACE, quotidiennement, que nous le voulions ou non. Sommes nous capables de rester respectueux et d'apprécier nos espaces et nos différences mutuelles ? En sommes nous étonnés, les désirons-nous vraiment ? Avons-nous véritablement une passion pour l'autre, ou recherchons-nous les femmes qui nous ressemblent – que ce soit dans nos communautés sur le net ou dans la vie - comment préférons-nous être vues nous-mêmes ? La notion d'hospitalité, avec laquelle j'ai tenté de travailler jusqu'ici, est proposée par certains philosophes comme essentiellement féminine, sans n'avoir rien à voir avec les femmes "réelles". J'ai essayé d'utiliser ceci en le soumettant à la critique dans mon travail artistique virtuel et mon travail théorique sur Vitual Chora, puisqu'il semble que certaines notions comme la matrice soient désormais associées aux nouvelles technologies et à l'espace cybernétique abyssal. Mais aussi, il est crucial que la notion d'hospitalité et son histoire aient été placées hors de la tradition chrétienne, du moins par les deux principaux philosophes de l' hospitalité, Levinas et Derrida, qui en retrouve la trace dans l'histoire de la religion juive et dans l'histoire. On pourrait donc dire que l'hospitalité est féminine et non chrétienne, ou du moins, c'est ce que pensent les grands philosophes occidentaux du 20ème siècle. Ce double postulat est très problématique, et touche toutes les affirmations que les féministes ont tenté de combattre jusqu'ici : percevoir la féminité comme essentiellement capacité à rencontrer l'autre et à s'occuper des autres, en particulier la féminité de certaines femmes, que l'on distingue par leur race. On peut facilement deviner que ce qu'on appelle "la fémininité orientale" soit perçu comme l'un des exemples par excellence de cette notion. Je voudrais tenter de réfléchir sur ces "frontières" dangereuses, au risque de me retrouver au centre de vives discussions à propos des notions de race, de différence culturelle, de cyberspace, de nouvelles technologies et de différence sexuelle. Des discussions animées telles qu'elles se sont produites dans les cercles des nouveaux médias aux Etats Unis, en Europe occidentale et en Australie ainsi que sur Undercurrents, la mailing list ouverte récemment, et consacrée en particulier aux nouveaux médias, aux questions raciales, au post-colonialisme, au genre et au féminisme.
Enfin, j'essaierai de délimiter l'enjeu que représente la question de l'hospitalité en regard de nos différences culturelles, éthniques, géographiques et sexuelles, et pourquoi il est nous est si difficile de rester ouvert (et surtout dans les communautés des nouveaux médias), en ne cessant de lutter et d'être prises en otages par cette "hospitalité féminine".

Irina Aristarkhova, professeure de faculté à l'Université nationale de Singapore, University Scholars Programme & The School of Computing

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